La soledad
« La soledad » de Natalio Grueso, éditions Presse de la Cité
Résumé : Bruno Labastide vit désormais à Venise, en solitaire. Il y rencontre un jour Keiko, une jeune japonaise, dont il tombe irrémédiablement amoureux. Pour la séduire et obtenir une nuit d’amour fou, il n’y a qu’une seule possibilité, l’émouvoir par l’écriture. Bruno va alors inventer ou se remémorer des histoires.
Mon avis : J’ai d’abord été attirée par la couverture du roman, et interpellée par son titre mélancolique. La solitude est visible sur la couverture, avec la disproportion entre un imposant éléphant qui semble avoir vécu et être marqué par ses expériences, et la petite fille solitaire qui le mène.
Cette photo de couverture est peut-être le symbole de la rencontre entre Bruno, aventurier qui a bourlingué à travers le monde et en est sorti marqué, et Keiko, jeune femme qui l’attire, mais qui ne le regardera qu’au moment où il saura l’émouvoir.
Dans ce roman, tout commence avec Bruno, qui tombe amoureux de Keiko, et doit la séduire par des mots qui viennent vraiment du cœur. Alors, il s’invente ou se rappelle des histoires, lui qui a tant inventé de mensonges dans sa vie. Les histoires vont alors s’enchaîner et s’emboîter les unes dans les autres, comme des poupées gigognes, liées par des personnages réels ou imaginaires qui passent le relais des récits.
Porté par les mots, on croisera un prescripteur de livres bibliothérapeuthe, un commentateur sportif qui va ruiner sa vie par amour pour son grand-père, un riche homme solitaire qui créé un impôt sur les mots tandis qu’un jeune garçon amoureux va réussir à transgresser cette loi, un chasseur de rêves, un garçon au pied gauche en or, découvrir dans le désordre quelques épisodes de la vie de Bruno entre profits mal acquis, arnaques et rencontres.
Les mots de Natalio Grueso tissent la solitude, incarnent l’amour et les sentiments et finalement lient les hommes entre eux, souvent à leur insu. Leur trame fait apparaître la solitude, même au milieu des autres, montre les aspects négatifs des hommes par certains côtés, mais aussi positifs et emplis d’amour par d’autres, présente des femmes fatales qui vont déterminer le destin, parle d’aventure, de football, et bien sûr d’écriture et de mots. A la fin, dix mots vont permettre à l’histoire de se terminer, et au lecteur de retrouver sa solitude après avoir été invité à parcourir le chemin d’autres vies.
Un beau roman, poétique jusque dans sa façon de montrer les bassesses et les douleurs des hommes, et finalement glorifiant le sentiment amoureux qui permet de garder une touche d’espoir. Et qui met les mots et l’écriture au cœur de son histoire, provoquant émotions et réactions chez le lecteur.
Une belle découverte de la rentrée littéraire. Merci à Babelio et son opération Masse critique, ainsi qu’aux éditions des Presses de la Cité.
Quelques extraits :
- « en plus, avec l’impôt sur les mots, il parlait de moins en moins aux siens, et, comme pris dans une sorte de spirale, à force de moins se parler, ils avaient chaque fois moins de choses à se dire »
- « Tel est peut-être le grand mal de notre temps, le fait que tout le monde pense avoir le droit de tout juger, d’avoir une opinion sur tout en ne disposant que d’une infime partie des faits, comme le marin bouffi d’orgueil qui méprise l’iceberg sans savoir ce qui se trouve en dessous. »
- « La seule chose qu’il comprit clairement, c’est que l’être humain peut être d’une cruauté diabolique, et qu’à la fin chacun reste seul et désemparé sous les étoiles, si magnifiques soient-elles. »
- « Toute une vie à attendre des mots qui ne viennent jamais, pendant que d’autres se censurent par lâcheté. »
- « Les choses ne se déroulèrent pas comme il l’avait escompté, comme tant de fois par le passé, la vie est ainsi, elle est indomptable. »