La porte du voyage sans retour

Publié le par Doc Bird

« La porte du voyage sans retour » de David Diop, éditions du Seuil

A la mort de son père, Aglaé va découvrir cachés dans un tiroir secret des carnets écrits par son père quelques temps avant sa mort. Elle va alors découvrir la deuxième passion de son père, en dehors de celle dévorante pour les plantes. Et le lecteur plonge alors avec elle dans le récit du séjour au Sénégal du naturaliste Michel Adanson.

J’ai mis un peu de temps à lire ce roman, car j’ai eu du mal à entrer dans le récit, notamment la première partie, alors que j’ai dévoré la seconde partie.

Le début se passe en France avec la mort de Michel Adanson, et sa fille qui accepte son héritage de botaniste et de naturaliste. Connaissant bien son père, et ayant renoué avec lui à la fin de sa vie, elle fait transporter toutes les affaires qu’il lui a léguées, et va faire preuve de curiosité face à un meuble, elle va alors découvrir dans une cachette d’un tiroir des carnets écrits par son père, revenant sur son voyage au Sénégal et son premier amour disparu. C’est à partir du moment où, penchée sur l’épaule d’Aglaé pour lire avec elle les mots tracés pas son père, je me suis enfin laissée transporter par l’histoire.

Dans les pas de Michel Adanson, j’ai découvert les enjeux politiques au Sénégal, assisté avec le fils d’un roi, Ndiak, à une magnifique cérémonie de mariage, et surtout été curieuse de trouver la mystérieuse Maram, objet de légendes, et que Michel souhaite rencontrer, car c’est la seule femme qui aurait réussi à s’échapper de l’esclavage. Sa rencontre avec elle sera foudroyante, et il va tomber irrémédiablement amoureux d’elle, mais leur rencontre va se faire sous le signe de la tragédie.

Autant j’ai eu du mal à me mettre dans la première partie, autant le récit des carnets m’a subjuguée, certes pour l’histoire d’amour, mais aussi et surtout par la description de la nature, des croyances sénégalaises sur son animal protecteur, les femmes guérisseuses, mais aussi hélas la méchanceté, l’avidité et la lâcheté humaine.

Un beau récit écrit avec cœur et poésie, s’appuyant sur des faits réels, car Michel Adanson a vraiment effectué un voyage au Sénégal, mais le reste, le plus puissant dans l’histoire, est fictif, empli de magie et de mystère, et ravit nos âmes.

Quelques extraits :

Mais loin de m’affliger, l’idée que je n’étais pas plus considérable qu’un grain de sable dans le désert, ou qu’une goutte d’eau dans l’océan m’exalta. Mon esprit avait le pouvoir de situer ma place, si infime soit-elle, dans ces immensités. La conscience de mes limites m’ouvrait l’infini. J’étais une poussière pensante capable d’intuitions sans bornes, aux dimensions de l’Univers.

Parfois, lorsque nous nous retournons sur notre passé et sur nos croyances anciennes, nous tombons en présence d’un inconnu. Cet inconnu ne l’est pas vraiment, car il s’agit de nous-même. Même s’il est toujours là, dans notre esprit, il nous échappe souvent. Et quand nous le retrouvons au détour d’un souvenir, nous reconsidérons cet autre nous-même, tantôt avec indulgence, tantôt avec colère, parfois avec tendresse, parfois avec effroi, juste avant qu’il ne se volatilise à nouveau.

C’est par ses mots tendres que Ma-Anta a soigné mes blessures invisibles car, me répétait-elle aussi, il faut être guéri soi-même avant de prétendre guérir les autres.

Grâce à l’art, nous arrivons parfois à entrouvrir une porte dérobée donnant sur la part la plus obscure de notre être, aussi noire que le fond d’un cachot. Et, une fois cette porte grande ouverte, les recoins de notre âme sont si bien éclairés par la lumière qu’elle laisse passer, qu’aucun mensonge sur nous-même ne trouve plus la moindre parcelle d’ombre où se réfugier, comme lorsque brille un soleil d’Afrique à son zénith. 

Publié dans Lecture-adultes

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A
La seconde partie a l'air entêtante et envoûtante !
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D
Elle l'est ! J'ai vraiment beaucoup apprécié cette deuxième partie :)
M
Je compte le lire et je suis donc contente de découvrir ta chronique. J'avais beaucoup aimer lire de lui "Frère d'âme" mais je me souviens tout de même qu'il fallait s'accrocher aussi pour cette lecture. Je choisirai mon moment pour le lire...
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D
Ah oui, ton commentaire me fait me rappeler que ta chronique m'avait donné envie de découvrir "Frère d'âme" :)<br /> Bonne lecture par avance, quand tu sens que ce sera le moment pour toi...
F
J'avais aussi ce roman en projet de lecture pour enfin découvrir la plume et l'univers de l'auteur. Ravie de voir qu'il vaut le détour malgré des débuts difficiles.
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D
Oui, une fois le début passé, on est vraiment embarqué dans le récit. Tu peux te lancer dans cette lecture quand tu as le temps :)